jeudi 25 février 2010

En-tête-à-tête: Bastide d'Opio, Paris


Salut Francois,
Je t'écris de ma table de la Bastide d'Opio, juste devant l'église du Saint-Sulpice, dans le VIe arrondissement où je me suis laissée perdre après ma marche solitaire dans le jardin du Luxembourg. Je retrouve toujours avec plaisir cette discrète église cachée au fond d'une place tranquille. A l'écart du circuit touristique, elle garde son trésor pour elle: un Delacroix - le combat de Jacob avec l'ange.

La petite chapelle des saints-anges est le théâtre de la rencontre initiatique entre Jacob et son adversaire mystérieux. Vaincu et blessé au terme d'une nuit entière de lutte, il est épargné par l'inconnu qui le bénit et le renomme Israël - "celui qui a affronté dieu avec persévérance". L'image est forte; elle ne peut que me plaire - sortir de sa nuit blessé mais transformé au terme d'une lutte acharnée contre dieu.

Jean-Paul Kaufmann a écrit un long essai sur cette peinture. Sa nuit à lui, ce furent les trois ans de détention qu'il a passé comme otage au Liban. De grand reporter international, il est devenu épicurien professionnel - consacrant désormais son talent aux cigars, au vin et à l'art.

Allez, je t'invite. Tu partageras ainsi mon repas et je m'éviterai la mortification d'un repas à fixer quelque part dans le vide. Je savoure lentement mon chardonnay en attendant les crevettes au Pernod que je nous ai commandées. Tu es allergique aux fruits de mer, je sais bien, mais je ne pouvais pas résister.

Nous sommes dans un bistrot tout simple comme tu les aimes. La salle ne compte que quelques tables. Un groupe d'amis est assis tout au fond. Le plat vient d'arriver sur l'entre-fait, avec un autre verre. Je ne lésine sur rien ce soir. Tu me permettras de te déposer sur la table quelques instants.

Rien de tel, pour me réconcilier avec un mercredi soir d'exil anonyme.

Allez, je retourne à mon hôtel. Je t'appelle à mon retour.

E xx

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