samedi 29 mai 2010

L'amimoureux


Je vais conclure cette période de mon blog avec un hommage à une autre blogueuse qui ne fait pas l'unanimité au sein de mon lectorat: Josée Blanchette. Je ne comprends pas trop ce qu'on lui reproche. Peut-être un peu d'exhibition. Mais elle a une plume et un sens de la narration qui n'ont certainement rien à envier à un Foglia qui ne m'émeut plus que très rarement.

Toujours est-il que dans un article - qu'une amie, celle à l'origine du titre de mon blog, a porté à mon attention - JB parle beaucoup mieux que je ne pourrais le faire de son "amimoureux". C'est avant tout un hommage à l'amitié qui arme d'acier le sentiment amoureux. Un hommage aux relations égalitaires, mutuellement nourrissantes.

Elle cite pour se faire - ce ne peut être un hasard - mes auteurs de prédilection. Camus: "ne marche pas devant moi, je ne te suivrai pas. Ne marche pas derrière moi, je ne te guiderai pas. Marche juste à côté de moi et sois mon ami". Et Wilde: "l'amitié est beaucoup plus tragique que l'amour, elle dure plus longtemps."

Et cette belle phrase de montaigne pour son ami La Boétie: "Parce que c'était lui, parce que c'était moi".

C'est un billet extrêment optimiste sur l'amour qui après avoir connu mille tourments -

"j'ai connu l'amour charnel (tout passe, tout casse, tout lasse) l'amour fusionnel (on ouvre la fenêtre j'étouffe), l'amour à distance (pré-Skype), l'amour d'un soir (bonjour-bonsoir), l'amour platonique (un écrivain), l'amour névrotique (c'est pas moi, c'est lui), l'amour paternel (il avait l'âge de mon grand-père), l'amour infidèle (la chair est faible hélas! Disait-t-il), l'amour passionnel (de passio: torture), l'amour clandestin (il était marié), l'amour à sens unique (un comédien), l'amour avec un petit "a" (sans commentaire), l'amour miroir (je suis moi, tu es moi, mais qui sommes-nous? Et l'inverse), l'amour parade (quel beau couple!), l'amour à trois (non, ça non, trop compliqué)".

Après les tourments donc, elle entrevoit la naissance d'un amour serein, et non sans humilité.

"Si j'en parle aujourd'hui, non sans avoir conscience d'éprouver la fragilité d'un lien qui s'accomode mal du vacarme, c'est surtout pour constater que trop souvent j'ai cherché l'amour où il ne se trouvait pas. A l'extérieur de moi plutôt qu'en moi. Dans le bruit. Plutôt qu'en silence".

jeudi 27 mai 2010

En-tête-à-tête : L'escalier


Je t'écris un message que tu ne recevras jamais. C'est à la fois une lettre d'adieu et un pacte avec moi-même : je renonce à toi.

Nous venons de passer l'après-midi ensemble. Tu m'as fait découvrir cet endroit surprenant qui contraste tellement avec ton personnage. Un petit bar mal famé auquel on accède par une porte tellement discrète qu'elle n'avait jamais attirée mon attention. Certains clients sont assis en cercle par terre, d'autres passent nus pieds. Ils ont la jeune vingtaine. Personne ne vient nous demander si nous souhaitons quelque chose. Nous profitons du moment, un peu en retrait et étrangers à cet univers auquel nous n'appartenons pas.

Jamais nous n'avons parlé aussi ouvertement.

Nous avons dû quitter précipitamment pour me permettre d'attraper le dernier autobus. J'aurais voulu avoir le temps de te dire aurevoir, de te serrer une dernière fois.

J'ai eu tout l'après-midi pour renoncer tour à tour à tes yeux gris, à tes canines légèrement désalignées qui te donnent un air espiègle, à tes tempes qui grisonnent à peine, à ton amitié, à nos conversations toujours animées, à ce qu'il me restait de sentiments inavouables.

Un après-midi témoin de l'échec de tous les renoncements précédents. Pour constater mon impossible indifférence.

Je te préfère toujours.

Comprenons-nous bien. Depuis notre rencontre, je suis tombée amoureuse plus d'une fois. Mon coeur en aime d'autres que toi. Pourtant, je te préfère toujours.

Mais l'inévitable espoir qui accompagne l'amour ne nourrit que ma tristesse.

J'ignore le pronostic de l'oubli. Je compterai d'abord les jours, puis les semaines et les mois... Les rechutes sont possibles. Elles ont été nombreuses.

Si un jour ces mots viennent à toi, ils ne voudront probablement plus dire grand chose. Ils auront été écrits il y a déjà très longtemps...

E xx

mardi 25 mai 2010

Chronique dont vous êtes le héro: la vie selon P. (épisode 25)


« Il ne faut pas pleurer pour ce qui n’est plus mais être heureux pour ce qui a été.» (M.Y)

Le narrateur ayant démissionné de son entreprise avant la fin, il est impossible de savoir ce que fût la vie de P., quelles décisions il prit, s'il fût heureux ou s'il regretta ses décisions. Est-ce qu'il connut des revers du destin contre lesquels il n'aura rien pu faire? Est-ce que le hasard aura mis sur son chemin des opportunités qui auront fait son malheur ou son bonheur?

Il revient au lecteur d'imaginer ce qu'il lui advint, de juger de la réussite de sa vie. Il utilisera pour se faire sa propre échelle de valeurs, son propre point de vue. Il comparera ses choix avec ceux du personnage.

Il le critiquera peut-être, l'admirera, projettera en lui ses craintes et ses espoirs.

Le narrateur pour sa part n'a émis qu'un vœux pour son personnage: qu'il ne connaisse pas les tourments des regrets. Peu importe ses décisions, ses erreurs, ses succès, ses échecs, ses satisfactions, les hasards heureux et les coups durs. Qu'il regarde sa vie avec le sentiment d'avoir suivi un chemin qui lui ressemblait.

Chers lecteurs, en terminant, si par un soir d'hiver vous croisez le narrateur à la sortie du cégep de Rosemont où vous êtes allés chercher votre plus jeune après son cours, ou dans un café d'Alphabet city à New York où vous avez décidé d'emmener la famille pour Pâques, ou dans un aéroport de Bangkok où vous attendez votre transfert pour Zurich, ou dans une rue d'Ottawa où votre voiture est tombée en panne par malchance, saluez-le et donnez-lui des nouvelles de P. Ce n'est pas parce qu'il est parti vivre sa vie sans vous raconter comment se termine cette histoire qu'il ne pense pas à lui.

mardi 18 mai 2010

Chronique dont vous êtes le héro: la vie selon P. (épisode 24)


Voici le billet laissé par le narrateur sur sa table de chevet lorsqu'il disparu de la vie de P.

Rêver un impossible rêve

Porter le chagrin des départs

Brûler d'une possible fièvre

Partir où personne ne part


Aimer jusqu'à la déchirure

Aimer, même trop, même mal

Tenter, sans force et sans armure

D'atteindre l'inaccessible étoile


Telle est ma quête

Suivre l'étoile

Peu m'importent mes chances

Peu m'importe le temps

Ou ma désespérance

Et puis lutter toujours

Sans questions ni repos

Se damner

Pour l'or d'un mot d'amour

Je ne sais si je serai ce héros

Mais mon coeur serait tranquille

Et les villes s'éclabousseraient de bleu Parce qu'un malheureux


Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé

Brûle encore, même trop, même mal

Pour atteindre à s'en écarteler

Pour atteindre l'inaccessible étoile

samedi 15 mai 2010

Carte postale de Montréal : Marché Jean-Talon


Eve,

Tu n'as jamais voulu venir dans ce quartier quand j'y habitais l'hiver dernier - parce que c'était l'autre bout du monde pour toi. M'y revoilà en force. Justine me loue pour très peu une chambre qui m'épargne les soucis logistiques habituels. Plusieurs de mes amis s'y installent de plus en plus définitivement.

Ce soir, en pleine semaine, j'y fais une escapade. J'ai pris le prétexte de l'anniversaire d'une amie pour quitter le bureau une heure plus tôt, quitter Ottawa pour Montréal, et me donner le temps de cette infime folie l'illusion de vivre pleinement.

Nous avons rendez-vous pour le souper au restaurant kitchen-gallerie. Sûrement un endroit trendy. Montréal est à Ottawa ce que Milan est à Rome (mais étrangement, l'avantage stylistique de Milan sur Rome ne lui a jamais gagné beaucoup d'amour - il semble que je m'acharne dans les villes mal aimées).

J'aime les marchés. C'est ce qui me plait tant en Europe. C'est un coeur tellement vivant pour un quartier. Même Paris prend une échelle humaine quand le marché s'installe dans ses rues.

J'espère que tu en profites bien de ton côté de l'océan.

E

jeudi 13 mai 2010

La vie en rose


C'est l'histoire d'un petit garçon de 5 ans qui préférait le rose jusqu'à ce qu'un jour il choisisse de vivre en mauve pour ne plus être impoli. C'est l'histoire d'un petit garçon pragmatique qui rêvait de se marier un jour avec son meilleur ami Samuel, mais qui avait décidé plutôt d'épouser Julie car il voulait des enfants.

C'est l'histoire de ce petit garçon qui se déguisait en fée clochette à l'Halloween, qui se mettait des boules de Noel aux oreilles en portant les talons hauts de mère, qui choisissait la teinte de rouge à lèvres la plus éclatante dans ma trousse à maquillage et aimait les bijoux brillants.

C'est l'histoire d'un petit garçon de 5 ans qui était lui-même. Qui assumait avec candeur et spontanéité ses préférences. Qui sans aucun prétention moralisatrice me confrontait à des préjugés que je m'ignorais. J'ai compris grâce à lui que malgré toutes les qualités que je me targue d'avoir, malgré toute la préparation que je peux entreprendre, mes enfants à venir sauront certainement à leur façon trouver le moyen de me déstabiliser, de pousser mes limites, de me forcer à revoir des positions bien ancrées.

On ne refera pas l'histoire. C'est encore David qui gagne contre Goliath.

mardi 11 mai 2010

Chronique dont vous êtes le héro: la vie selon P. (épisode 23)


« Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin. » (M.Y.)

C'est dans ce chapitre que le narrateur devait vous raconter ce qu'il advint de P. dans les années qui suivirent sa rencontre avec Marina. Il en fit plusieurs versions. Les brouillons raturés se sont accumulés dans la boîte de recyclage sans parvenir à ébaucher un début de récit satisfaisant.

Malheureusement, le narrateur, un être profondément anxieux, idéaliste, et par le fait même envieux du succès et du bonheur de son personnage a décidé de tout laisser derrière soi sans crier gare, de quitter sa maison et son emploi pour partir en quête perpétuelle de l'inaccessible étoile. Sans expliquer son geste, sans avoir de projet valable aux yeux de plusieurs, sans même très bien comprendre lui-même ses motivations, il a choisi de plier bagages et d'abandonner son existence actuelle en même temps que son personnage.

Le narrateur nous ayant fait faux bond pour cette partie de l'histoire dans laquelle P., après quelques années à Montréal pendant lesquelles il vend sa tanière de célibataire pour emménager dans une petite maison patrimoniale du Mile End avec Marina, se voit offrir le poste de chef de bureau à Sao Paolo et part avec elle vivre au Brésil, nous devrons une fois de plus référer le lecteur à un texte d'un autre auteur.

En fait, le narrateur ne se sentait pas la force de vous raconter les joies familiales, le mariage intime, la naissance des jumeaux non identiques et de leur petit frère, ni comment vers l'âge de 5 ans ces premiers réussirent à force d'user de leur charme manipulateur à convaincre leur père d'acheter un golden retriver. Vous n'y auriez pas crû alors à quoi bon!

À la place, le narrateur a laissé pour vous sur sa table de chevet un billet avec les paroles de Brel, comme si pour rendre hommage à son personnage, un grand amateur de musique, il avait voulu faire un roman chanté où chaque chapitre deviendrait une chanson.

samedi 8 mai 2010

Carte postale de Montréal: nocturne du musée d'art contemporain


Eve, à toi qui a quitté Montréal pour les cieux plus clément de Rome, des nouvelles de ville,

Je suis allée à la nocturne du musée d'art contemporain de Montréal. Je ne l'avais visité qu'une seule fois avec Henri l'an dernier. La file infinie qui nous a accueillis lorsque nous sommes arrivés m'a rappellé ce qui peut m'irriter de cette ville: cette ruée vers quelques événements, endroits, réputés à la mode qui provoquent de ces files justement que je fuis religieusement. Mais cette fois-ci, je me suis soumise à l'exercice.

Le bar avait épuisé ses réserves dès 7 heures. Le restaurant aussi... Les expositions par contre m'ont bien plues. Plus que l'art contemporain d'habitude. Surtout de grandes murales qui semblaient à leur façon répondre aux heures de gloire de l'art classique. Mais je ne saurais te dire de quels artistes il s'agissait. Aucun nom ne m'était familier.

La visite se faisait sur un fond de musique indie. Décidémment, je ne suis pas de mon époque. C'est un constat qui me désole par moment. Mais il serait vain de m'acharner contre moi-même.

La soirée s'est terminée au resto du TNM. Un endroit bien que je découvre.

A la prossima,

E

jeudi 6 mai 2010

Un monstre comme les autres


Parce que toutes les rencontres marquantes ne sont pas amoureuses, bien au contraire, il m'a paru intéressant de raconter une rencontre aussi improbable à mon esprit que réelle dans les faits. Elle s'est faite un vendredi de l'automne 2006 quelque part en Toscane. J'y étais allée pour assister à la performance du choeur des petits chanteurs de l'oratoire St-Joseph organisée en collaboration avec le consulat. Mon assistante avait trouvé un petite chapelle du 13e siècle au milieu de la campagne qui acceptait de les recevoir (ils ont chanté par la suite au Vatican - ce n'est pas là la question).

L'endroit était enchanteur. Nous avons passé la journée avec les enfants du village accompagnés su prêtre. Un homme dans la quarantaine, avec une barbe de père Noël, une voix douce, des yeux bons. Un homme fort et grand. Discret, sans être timide. Il appartenait à une confrérie mixte (le terme semble contradictoire). S'il s'agissait d'un parti politique, je le dirais "de gauche" par sa façon d'agir sur le terrain, à échelle humaine.

Cette rencontre avec un être aussi serein m'avait charmée au point de la souligner dans mon journal, allant même jusqu'à croire qu'un tel prêtre aurait pu me convertir.

La vie, qui ne manque jamais d'ironie, aura voulu m'enseigner une leçon que je résiste toujours à saisir tellement elle me semble cliché et de mauvais goût. Le lundi suivant, mon assistante entre précipitamment dans mon bureau. Elle vient de lire que quelques heures après notre départ, le prêtre fut arrêté pour pédophilie. Je n'ai pas voulu y croire. J'ai suivi la nouvelle dans les journaux pendant des jours. Les accusations se sont multipliées. Il a tout avoué...

mardi 4 mai 2010

Chronique dont vous êtes le héro: la vie selon P. (épisode 22)


Dans un cercle de connaissances qu'il fréquentait, de nouveaux visages faisaient parfois leur apparition, dont celui de Marina une graphiste d'origine brésilienne.

Au cours des mois qui suivirent, leurs chemins se croisèrent au gré de divers événements: soirées entre amis, soupers, sorties... Il serait difficile pour le narrateur d'identifier avec exactitude le moment où les choses changèrent pour P. Peut-être lorsqu'il la vit danser la samba, ou lorsqu'elle rit à l'une de ses blagues absurdes...

Peu importe, ils commencèrent à se fréquenter sans presque s'en apercevoir. Les mois passèrent et Marina continuait à rire et à danser. Ainsi, le plus simplement du monde elle se fit une place dans la vie de P., qui n'avait trouvé aucune raison de s'en défaire. Sans aucune stratégie, elle était parvenue à contourner tous les mécanismes de défense de notre célibataire vedette.

Bien que le narrateur ait à cœur l'épanouissement affectif de son personnage principal, il ne souhaite pas dégoûter ses lecteurs les plus cyniques et désabusés et vous épargne donc le récit mielleux de la conversion de P. pour le bonheur à deux, les petites choses simples partagées, les attentions romantiques dont il s'émouvait, la complicité dans le quotidien qui rend le cœur plus léger... Tous ces clichés de contes de fées auxquels ne croient même pas les enfants.

samedi 1 mai 2010

Carte postale de Paris: Quartier latin


S,

Tout m'y a amenée aussi. D'abord Eric qui selon son habitude me donne rendez-vous à la fontaine près de la station St-Michel. Nous sommes ensuite allés manger sur les quais dans un minuscule bistrot comme je les aime.

Puis mon collègue Shawn qui voulait aller dans un café qu'on lui avait recommandé - Le Piano Vache - juste à côté du Panthéon. Un bar aux airs un peu punk, débordant d'étudiants dans la jeune vingtaine. Je me sentais légèrement dépassée. La différence d'âge ne semblait pas du tout l'embêter. Il me semble parfois que les hommes se bercent plus facilement d'illusions et il m'arrive même de croire que cet état de torpeur peut être chez vous permanent. Vos vingt ans vous appelle comme un chant de sirène.

Différence d'âge? S'interrogent parfois mes interlocuteurs masculins avec des points d'interrogation dans le regard, comme si un écart de quinze ans n'était pas un concept objectivement mesurable...

L'endroit te plairait donc probablement.

E