mardi 30 novembre 2010

Le pendu (12)


Voir les choses sous un autre angle! Combien de quiproquo me serais-je évités si j'avais cette faculté d'envisager les situations de plusieurs points de vue?

Dans ma tendre jeunesse, alors que je faisais du pouce dans les campagnes irlandaises en compagnie d'une institutrice française avec qui j'enseignais dans un camp d'été, nous avions été prises à bord d'une camionette par un jeune homme somme toute charmant. Pendant les premières heures du trajet, nous avions tranquillement badiné. Nous faisions gentiment la conversation lorsqu'il mentionna qu'il était un passionné de moto. Je détestais au contraire la chose, lui racontant que j'avais eu la frousse de ma vie sur un tel engin.

Soudain pris d'un accès de timidité, se mordant les lèvres pour ne pas poser une question qui le brûlait, il finit par se lancer, non sans créer une certaine appréhension chez moi avec toute cette hésitation: "were you wet?". Ne comprenant pas très bien le sens de cette question, je me suis dit que "mouillée" dans ce cas devait faire référence à "sueur froide" ou quelque chose du genre. J'ai vite compris à son regard que j'avais mal interprété alors il répéta, se passant cette fois-ci une main entre les jambes pour illustrer son propos. Me demandait-il si l'expérience m'avait excitée?!?!

J'avais 19 ans. Je devins sur le champs écarlate de colère, mettant brutalement fin à une conversation qui avait été jusque là légère et sans malice. Comment pouvait-on se permettre une telle vulgarité? Et ma co-voyageuse française qui ne bronchait pas!

A la station-service où nous nous étions arrêtés pour faire le plein, je la prends à part. "Mais, tu as entendu ce qu'il a dit? Il est hors de question que je retourne une minute de plus avec ce pervers!". Ce sur quoi elle me répondit le plus calmement du monde "voyons Eugénie. Tu lui disais que tu avais eu peur en moto et il t'a demandé si tu avais fait pipi dans ta culotte." Puis elle ajouta avec un sourire discret: " J'avais bien deviné le malentendu. C'est vrai que le geste dans l'entre-jambe portait à confusion." Et de ce coup, c'est moi qui me trouvait confuse... L'esprit pervers était donc le mien!

samedi 27 novembre 2010

Mademoiselle Julie, Auguste Stindberg (livre # 10)


"Personne ne croira que vous vous abaissez volontairement. Les gens diront toujours que vous tombez"

Une des rares pièces de théâtre que j'ai vues à plusieurs reprises. Peut-être faisait-elle l'objet d'une mode dans le milieu artistique à cette époque.

La première représentation était à l'Espace Go dans une mise en scène de Brigitte Haentjens avec Anne-Marie Cadieux et Marc Béland en 1996. C'est mon amie Crick, une enthousiaste de théâtre qui m'y avait traînée. C'est un milieu que le karma me fait vivre par personne interposée, mettant sur mon chemin acteurs, dramaturges, metteurs en scène, marionettistes, accrobates...

La seconde nous amène à Londres deux ans plus tard. Séjour européen qui m'a permis d'approcher tout un univers artistique qui ne semble pas faire de détour par le Québec. J'y ai vu Juliette Binoche dans "Naked" et "Oh! Les beaux jours!" mis en scène par Peter Brooke. Fascinée de voir se matérialiser le monde
artistique que je n'avais alors aborder que par l'intermédiaire de mes livres ou d'un écran de télé.

En même temps, ce fameux séjour londonnien fut l'occasion de démystifier saint-martin in the fields et covent garden! "C'est ça?!?", me dis-je un peu déçue. Comme quoi les attentes ont le pouvoir de miner ou de magnifier une expérience. C'est selon.

P.S. La traduction que j'ai lue était de Boris Vian. Je l'ignorais traducteur, mais en soit, c'était comme un clin d'oeil à cette autre époque de ma vie...

" Ah! On peut s'enfuir, on peut s'enfuir, mais les souvenirs vous suivent dans le fourgon, et les regrets, et les remords..."

jeudi 25 novembre 2010

Vers l'inaccessible étoile


24 octobre (à l'aube) - C'est un départ tant attendu. Je ne connais rien de cette région du monde où je pars à l'aveture. Je n'en connais pas la langue. Mais à chaque moment qui passe, j'ai le sentiment toujours plus fort de m'approcher du but, d'avoir pris la bonne décision. Dans l'aéroport où je suis en transit, je regarde les passagers qui attendent le même vol que moi et je me prends d'une sympathie naturelle pour eux. Je cherche dans leurs visages les traits de ma fille. Elle sera belle. Et j'ai aussi l'impression d'être des leurs. Je leur ressemble.

C'est un beau pays que je découvre. Le soleil d'éte me réchauffe et me donne l'illusion d'une vacance que je n'ai pas eu l'occasion de prendre cette année alors qu'à la maison l'hiver s'installe lentement. Je profite d'une journée de rencontres annulées pour cause de congé férié déplacé (la fête nationale du 21 octobre ayant été remise au 25 à la dernière minute) pour une escapade dans les villages des environs.

Contrairement à mes voyages récents, mon statut de touriste nantie ne me vaut pas d'attention spéciale. Je marche librement. Les vendeurs dans les boutiques me font des rabais que je n'ai même pas négociés. Jusqu'à 25% de réduction sur les prix (après avoir décidé d'acheter, pas avant!!!). C'est vous dire à quel point je dois me faire avoir. Ils n'ont pas le coeur de m'escroquer à ce point.

Mon chauffeur de taxi, Norman, que j'ai également adopté, me donne en prime un tour du centre-ville après notre tournée des villages. En cette journée de congé férié, le pays m'appartient. Il se fait docile pour sa première impression. Et c'est réussi.

mardi 23 novembre 2010

La force (11)


Chaque carte a une interprétation dominante, mais c'est la limite entre les deux pôles de cette interprétation, positive et le négative, qui m'intéresse le plus. La ligne de faille autant que la clé de voûte. Si la force parle de détermination et d'esprit volontaire, elle réfère également à la discipline et au contrôle de soi. Et c'est là que les choses deviennent dignes d'intérêt. Lorsque le barrage qui retient courageusement le torrent depuis des années s'apprête à céder.

Le contrôle de soi. Il me semble que ce soit un concept surtout masculin, mais je pourrais bien me tromper. Ce sont des conversations récentes qui me donnent peut-être cette impression. Un collègue notamment, qui s'il se voyait avec mes yeux se rendrait bien compte qu'il se noie, mais qui prétend avoir toujours la situation bien en main. Qui se sabote comme j'ai rarement vu, mais qui croit encore qu'il peut tout arranger à force de volonté. Qui a miné sa vie avec plus de soin et de zèle qu'un moudhjahidine tchéthène, mais qui se convainc toujours que ce n'était qu'un moment de folie.

Alors je reste sur la berge. Je le regarde jouer les Hercules tentant d'endiguer le cours d'un fleuve qui de toute évidence veut aller ailleurs. Une guerre d'usure dont je n'ignore pas le vainqueur.

Ce qui me plaît du contrôle de soi, c'est qu'il annonce la mutinerie justement. Du combat intérieur qui se jouera inévitablement, je demeure une spectatrice attentive et passionnée.

samedi 20 novembre 2010

Chronique d'une mort annoncée, Gabriel Garcia Marquez (livre # 9)


"Il faut toujours être du côté du mort"

Gabriel Garcia Marques me rappelle surtout mon échec répété à lire Cent ans de solitude. Le titre m'attire depuis toujours. Il me semble que je pourrais épancher toute ma mélancolie naturelle dans un tel roman. Et pourtant, immancablement, au bout de quelques chapitres, je m'essoufle chaque fois. Et repose le livre jusqu'à l'essai suivant.

"Il aurait pu répondre n'importe quoi d'autre tant sa façon de s'exprimer lui servait beaucoup plus à dissimuler qu'à se confier."

Comme une montagne infranchissable. Cent ans de solitude est un effort constant. Le plaisir de la lecture n'est jamais venu à ma rencontre comme c'est généralement le cas. Au bout d'une cinqantaine de pages, l'histoire m'absorbe et je plonge dans le roman. Jamais dans celui-là.

"Il se portait mieux que nous tous, mais quand on l'auscultait on entendait les larmes bouillonner dans son coeur."

L'autre oeuvre qui me fait cet effet est Le sacre du printemps de Stravinsky. Je n'ai jamais pu l'écouter plus de quelques minutes. Je suis sourde à cette musique.

"Elle nous en apprit peut-être beaucoup plus long que le nécéssaire, mais avant tout qu'aucun endroit sur cette terre n'était plus triste qu'un lit vide."

Cette mort annoncée par contre, se parcourt tout d'un trait.

"Manger sans mesure fût toujours sa seule façon de pleurer."

Un ami dont je ne parle jamais dans ce blog considère La mort au temps du choléra comme son livre phare. Ce penchant annonçait un romantisme auquel je n'eus pas droit.

"Les autres protagonistes de la tragédie avaient joué avec dignité et même une certaine grandeur le rôle privilégié que la vie leur avait réservé."

Toute cette oeuvre est courronnée du prix Nobel de littérature - ce qui m'amène une fois de plus à mesure l'ampleur de mon ignorance. Je parcours la liste des récipiendaires pour me rendre compte que j'en connais très peu et que j'en ai lu encore moins.

"La haine et l'amour sont deux passions réciproques".

A la façon Garcia Marques : Theodor Mommsen, Rabîndranâth Tagore, Grazia Deledda, Jonh Galsworthy, Gabriela Mistral, Salvatore Qasimodo, Ivo Andric, Patrick White, Czeslaw Milosz, Kenzaburo Oe, Imre Kertész. Vous connaissez?

"Donnez-moi un préjugé, j'ébranlerai le monde".

jeudi 18 novembre 2010

Mère poule, mère l'Oie



17 octobre - "nesting is the term used to refer to an expectant mother's instinct which gives her a surge of energy which prompts her to clean and do various chores around her home. Nesting usually arises as the mother nears her due date."

La première question que la majorité des gens à qui j'ai annoncé l'adoption de ma fille a été : "et la chambre du bébé??" Question à laquelle je répondais habituellement par une grimace toute aussi inquisitrice et anxieuse. Il me fallait isoler le toit, faire réparer la fournaise, arracher les clous de l'escalier que j'avais entrepris de décaper avant d'apprendre la nouvelle, compléter les démarches d'immigration, refaire mon passeport perdu au cours de mon récent déménagement, préparer mon entrevue pour le concours de promotion, obtenir une évaluation médicale, préparer mon premier voyage au Honduras... Alors le choix des draps et les couleurs des rideaux!?!? Loin de me préoccuper...

Et voilà que dans un moment de pur délir maternel, en une seule fin de semaine, j'ai non seulement fait la chambre, mais nettoyé au complet la maison laissée depuis quelques temps à l'état de chantier post-rénovations.

J'ai loué une voiture pour me rendre dans la banlieue commerciale de la ville - un large boulevard où il faut se véhiculer de magasin en magasin. Ma furie consommatrice m'a permis en quelques heures de tout trouver pour métamorphoser une pièce de plus de ma maison. (Ainsi que le siège d'auto et les cadeaux que j'amènerai en voyage).

Le dimanche, j'ai peinturé la chambre - un jaune très pâle. J'ai cousu les coussins qui vont sur le banc en bois, installé les rideaux, appliqué les images auto-collantes, fixé les cadres-photo... Le tout sous la thématique du cirque. Les animaux sauvages (mais gentils, mignons et dociles) ont envahis les murs, le couvre-lit, les rideaux...

mardi 16 novembre 2010

La roue de la fortune (10)


"Parce que seul l'instant présent m'appartient", disent les yogis. La roue de la fortune parle du mouvement perpétuel et des cycles de la vie. Le cycle qui caractérise le mieux la mienne est celui qui m'amène de la sédentarité à la nomadité. Christophe me l'avait décrit pour la première fois lorsque nous nous sommes connus, il y a bien une dizaine d'années. Il s'apprêtait à affronter l'océan en voilier. Cette mésaventure aura nourri des racines chez lui puisque je l'ai retrouvé une petite décennie plus tard solidement ancré à Montréal.

Christophe m'avait parlé de ce sentiment de lourdeur qui s'installe insidieusement. Un jour, on se réveille et le mobilier nous semble pesant, le garde-robe plein de vêtements inutiles, les bibelots, les souvenirs de voyage superflus... Ce jour-là, le poids de nos biens matériels nous étouffe et on commence à donner, jeter, recycler. On voudrait qu'une valise puisse contenir l'ensemble de ses avoirs et on se surprend à rêver d'ailleurs.

Puis on part à l'aventure. On se sent léger. C'est l'insoutenable légerté de l'être. L'inconnu prend des airs de liberté.

Jusqu'à ce que l'appel du pays se fasse de nouveau sentir. Le goût de s'installer, de s'enraciner prend le dessus. On se croit guéri...

Je suis une enfant de la course destination monde et comme plusieurs d'entre vous peut-être, les mots d'Hugo Latulippe dans son dernier film me sont restés:

La Terre plantée dans le coeur
Partir, partir parce qu’on poursuit tous des idées mythiques.
Partir par pur souci esthétique. Partir parce que c’est important de savoir.
Partir parce que c’est rock n roll. Partir sur les traces de nos rêves. Partir, mais partir pour revenir... Revenir, revenir plein de soleil et d’espoir d’ailleurs parce qu’on a compris que d’un point de vue logistique, on s’auto-suffit, mais qu’émotivement, pas du tout.
Revenir parce que ça fait du bien. Revenir parce qu’on en a assez de s’immiscer dans la vie des autres et qu’on veut entendre l’avis des nôtres.
Revenir et ne jamais oublier la guerre, la misère, la haine, les blessures.
Revenir pour ne plus jamais s’incliner devant autre chose qu’une montagne, un arbre, une rivière, un sourire.
Revenir et prendre le parti des enfants, des baleines, des aurores boréales et des odeurs de printemps.
Revenir après 40 décollages, 97 contrôles douaniers, 567 repas,62 interviews, 6 ou 7 sanglots, 3165 éclats de rire, une vingtaine de p’tits films et une conviction.
Si les p’tits culs de Karashi peuvent sourire à manger de la marde.
Si les petits soudanais peuvent danser l’estomac plein de sable.
Si un palestinien peut oublier le meurtre de sa mère au nom de la paix, j’vois pas pourquoi moi, j’aurais pas confiance jusqu’à la fin du monde.
J’vois pas pourquoi moi, j’sourirais pas jusqu’à la fin des temps.
Revenir, persuadé que la seule chose au monde qui compte vraiment, c’est d’avoir un coeur pour revenir.
Revenir, de l’humanité plein la tête.
Revenir, la Terre plantée dans le coeur. Revenir, mais revenir pour repartir.
Ce soir, c’est fini et ma tête tourne, mais la Terre tourne. Salut!

samedi 13 novembre 2010

Short and Sweet: 101 very short poems (livre # 8)


"Dans le désert
J’ai vu un être, nu, bestial,
Qui, accroupi sur le sol
Tenait son coeur dans ses mains,
Et en mangeait.
Je lui demandai,
Est-ce bon, mon ami?
’C’est amer – amer,’ répondit-il:
Mais j’aime ça
Parce que c’est amer,
Et parce que c’est mon coeur.' "

Cette chronique devrait aussi être l'occasion de parler des lieux que me font découvrir ces lectures - parce qu'elles ne me plongent pas toutes dans mon passé ni ne réfèrent à des événements de mon existence. Sans compter que je ne possède pas plusieurs de ces livres et j'ai fait le choix délibéré et ferme de ne pas nourrir mon vice ancien pour l'achat de bouquins qui viennent peupler mon petit espace. Surtout, comme l'explique Daniel Pennac dans "comme un roman", il est extrêmement difficile de se défaire de la possession des livres. Ils suscitent chez leurs propriétaires un sentiment d'attachement irrationnel.

A ma connaissance, les seuls livres que j'aie donnés à une oeuvre de charité étaient une série de manuels sur "l'art de rencontrer un mari" que m'avaient offerts des amis qui me veulent du bien. J'ai pensé que je pourrais partager cette belle sagesse populaire avec les pauvres de ma région. Un peu d'amour, ça ne peut que réchauffer en hiver!

Enfin, faute de pouvoir mettre la main sur une copie de ce recueil de poèmes, j'ai dû me contraindre à le consulter dans une librairie "commerciale" du centre-ville où les nombreuses allées de la section anglophone m'offrent un refuge pour lire en tranquilité sans acheter.

(Est-ce éthiquement un vol? Eh bien! Je me déculpabilise en choisissant d'investir ma fortune dans la cause de l'édition francophone!)

Je mesure toujours mon exil lors mes visites incontournables aux librairies francophones du monde entier. (Pour une raison que j'ignore, le désir d'offrir un livre à un ami me prend toujours lorsque je suis en voyage et je me surprends chaque fois de la sélection limitée qui s'offre à moi). Même dans cette ville pourtant aussi francophone et éduquée, trois maigres rayons qui exposent livres de cuisine, guides parentaux, dictionnaires, les "bouillons pour l'âme" et quelques très bons vendeurs qui ne prendront pas la poussière sur les étagères.

Voici un univers dans lequel l'improvisation m'est refusée. Le désir soudain de lire un roman russe m'avait pris un soir de semaine - et ma sortie nocturne pour l'assouvir fut vaine. De quoi refouler le lecteur intérieur qui sommeille en chacun de nous.

"Certains hommes n’y pensent jamais.
Toi non. Tu arrivais
Et disais que tu m’avais presque apporté des fleurs
Mais il y avait eu un malheur.
Le magasin était fermé, ou tu avais eu des doutes -
Du type que des esprits comme les nôtres
Inventent instantanément.
Tu pensais
Que je ne voudrais peut-être pas tes fleurs.
J’en souriais et je te serrais fort dans mes bras.
Maintenant, je peux tout juste sourire.
Mais vois, les fleurs que tu m’as presque apportées
Ont duré tout ce temps. "

jeudi 11 novembre 2010

Les rêves sont toujours des départs


5 octobre - Enfin!!!! Je viens de recevoir mes dates de départ pour mon premier voyage, non sans quelques retournements de situation. Je pars dans un mois. Le ministère de l'enfance devait d'abord me rencontrer les 21 et 22 octobre. Or il s'avère que le 21 est férié. On a remis le tout à la semaine suivante (les 25 et 26). Jusqu'à ce qu'on m'annonce quelques jours plus tard que le congé du 21 était remis au 25!! Et que mes rencontres auraient donc lieu les 26 et 27. Maintenant que mes billets d'avion sont achetés, prions pour que les dates demeurent à l'intérieur de mon voyage prévu.

Je dois d'abord subir une évaluation psychologique (la quatrième en tout dans ce processus) avec une travailleuse sociale qui décidera au terme de la rencontre si je peux passer à l'étape suivante. Puis le lendemain, une psychologue/psychiatre fera de même. Le troisième jour, je devrai présenter des documents à la cour. Il est prévu qu'une rencontre avec l'enfant soit organisée ensuite (conditionnellement à la réussite des étapes préliminaires).

Certains de mes amis ont une image très romantique de cette rencontre mère-fille. Je suis plus modérée. Il y aura, outre les deux principales intéressées, un psychologue du ministère, mon avocate, le traducteur, la famille d'accueil.... Intime comme tête-à-tête!!!

D'autres bonnes nouvelles ont suivi. Le dossier d'immigration a été accepté du jour au lendemain! Mon rendez-vous pour l'inspection finale de la maison est fixé...

À chaque épisode, Sophie G., dépassée par les retournements administratifs, continue à soutenir qu'il est plus facile d'accoucher.... le débat est ouvert!

mardi 9 novembre 2010

L'hermite (9)


Voilà une carte qui me rejoint en ce moment : celle du mouvement lent et de l'attente. Certains lecteurs connaissent mes projets de vie et saisissent dans quelle mesure cette douce progression des choses se traduit dans ma vie. C'est aussi d'ailleurs la carte de la discrétion, de la prudence et de la patience.

L'hermite parle de la recherche méthodique de la vérité. C'est un projet trop amibitieux pour moi. Je ne saurais d'ailleurs pas très bien définir la vérité. Tellement de nuances et de contre-exemples m'ont forcé à accepter qu'au mieux, les années me permettront de me comprendre davantage, mais que même ces vérités que j'aurai récoltées au gré du temps ne seront probablement vraies que pour moi. Par contre, quelle sensation merveilleusement libératrice chaque fois que la lumière se fait dans un coin de notre âme resté jusque là dans l'obscurité.

L'hermite réfère également à la fatigue, aux phases difficiles, aux zones d'ombre. Combien de fois ai-je été témoin de la traversée du désert de mes amis - crises conjugales, séparation, fausse couche, infertilité, réorientation professionnelle et sexuelle, épuisement et dépression? Si je me réjouis de leur bonheur, rien ne m'inspire plus de respect que de les voir accepter lucidement d'aller vers l'intérieur pour y chercher des réponses - qu'ils connaissaient souvent avant même de plonger et qu'ils craignaient tout aussi certainement parce qu'une fois le constat mis à jour le dur effort de la transition ne peut plus être évité et il faut prendre le risque de s'engager dans une nouvelle voie.

samedi 6 novembre 2010

Candidte, Voltaire (livre # 7)


"Hélas, dit Candide, je l'ai connu, cet amour, ce souverain des coeurs, cette âme de notre âme; il ne m'a jamais valu qu'un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet aussi abobinable?"

Candide appartient à la période la plus stimulante de ma vie. Ce fut à certains égards une période trouble et sombre, mais aussi un moment charnière significatif qui m'a lancée dans l'âge adulte. Une aventure à la fois effrayante et prometteuse.

L'oeuvre était au programme de mes études collégiales. J'avais découvert certains romans à l'école secondaire, mais c'est ensuite que j'ai choisi de poursuivre des études littéraires au détriment du droit comme je le prévoyais depuis toujours. Est-ce une décision que je regrette avec le recul? Il m'est arrivé, très rarement, d'envier mes collègues ayant un bagage académique légal. Je lis très peu et il me semble souvent avoir complètement tourné le dos à la période littéraire de ma vie, pourtant, ce qu'il m'en reste continue à me nourrir. Je ne crois pas que je choisirais autrement si j'avais le luxe de refaire ma vie.

Je m'interroge souvent sur les regrets. Ils seront le fruit de quelles décisions prises aujourd'hui? J'ai longtemps pensé que les regrets étaient une illusion. Nous aspirons tous au bonheur. Nous prenons donc les décisions que nous croyons les meilleures pour y parvenir. Ainsi, les regrets seraient le résultat d'une déformation due à la perspective...

"Ma belle demoiselle, quand on est amoureux, jaloux et fouetté par l'Inquisition, on ne se connaît plus."

"Il parlait aux hommes avec le dédain le plus noble, portant le nez si haut, élevant si impitoyablement la voix, prenant un ton si imposant, affectant une démarche si altière, que tous ceux qui le saluaient étaient tenter de le battre."

jeudi 4 novembre 2010

Droit devant soi on ne peut pas aller loin


21 septembre - C'est une phrase du Petit Prince que je viens de lire. Elle reflète bien ma vie en général, faite surtout de détours. Mais aussi le cheminement sinueux de ce projet d'adoption qui fait des bonds magistraux avant de connaître des reculs, ou des moments de stagnation désespérants.

Depuis quelques mois, les étapes se franchissent à une vitesse inespérée. Mais depuis que la photo de ma fille est apparue sur mon écran il y a quelques semaines, le silence. Une date de départ aurait due m'être donnée dans les heures suivant mon acceptation. Les heures passent dans l'indifférence.

A chaque jour que je raye de mon calendrier, c'est un jour de plus sans elle.

A cela s'ajoute une saga en matière d'immigration - il me faudra attendre de 6 à 9 mois pour compléter sa demande de citoyenneté. Comme le ministère est sourd à mes demandes d'accélération du processus, j'ai dû m'en remettre à des politiciens. On m'a conseillé de conclure une entente avec l'orphelinat pour q'ils la gardent le temps que mes démarches aboutissent!!!

Mon calme m'étonne. J'explique avec le sourire qu'une telle option serait, à mon échelle toute personnelle, une catastrophe humanitaire et que biensûr, s'il le faut, je trouverai une autre solution.

Je suis David contre Goliath. Heureusement, c'est David qui gagne!

Une fois de plus, suspens. Les papiers d'immigration, l'inspection de la travailleuse sociale (qui dépend de la traduction des documents que je n'ai pas non plus), l'approbation provinciale (que je ne peux pas avoir sans le papier de citoyenneté et celui de la travailleuse sociale)...

Un soir cette semaine, en soupant, je n'ai pu m'empêcher d'avoir un pincement au coeur en me rendant compte qu'à force d'attendre, j'allais manquer son anniversaire. Un tout petit drame très personnel.

mardi 2 novembre 2010

La justice (8)


La Justice, avec une majuscule. Qui est-elle? Si Salomon était un homme, il semble pourtant que ce soit toujours cette femme aveugle, une balance et une épée à la main qui l'incarne. Une figure allégorique de la mythologie romaine. Plus tard, elle sera représentée enceinte pour montrer son expérience de la vie.

La justice au sens légal est contraignante. Elle s'articule autour des règles sociales. Comme le disait mon ex-procureur de frère, la chose fascinante dans la poursuite c'est de déterminer dans quelle mesure la société peut limiter l'exercice de la liberté d'un individu. Cette question se réinvente toujours. Je suis née dans une société qui condamnait l'avortement et acceptait sans contrainte la cigarette et l'alcool au volant. Je me souviens de mon étonnement lorsque j'ai appris lors d'un de mes voyages du début de la vingtaine que l'Irlande interdisait le divorce! Je n'aurais jamais même pensé que la chose soit possible. Comme quoi nous sommes un fruit de notre société et la justice n'en est que l'expression.

La justice au sens moral remet ultimement l'individu face à lui- même. Très protestant comme concept. On dit que les catholiques sont des bons vivants car ils bénéficient de l'absolution du prêtre. Leurs péchés se négocient contre des punitions. Le protestant est pris avec le poids de sa conscience. Il répond directement de ses actes à Dieu. Et comme le disaient les religieuses qui m'enseignaient "les voies du seigneur sont impénétrables"! Pas facile d'avoir la conscience tranquille!