mardi 16 novembre 2010

La roue de la fortune (10)


"Parce que seul l'instant présent m'appartient", disent les yogis. La roue de la fortune parle du mouvement perpétuel et des cycles de la vie. Le cycle qui caractérise le mieux la mienne est celui qui m'amène de la sédentarité à la nomadité. Christophe me l'avait décrit pour la première fois lorsque nous nous sommes connus, il y a bien une dizaine d'années. Il s'apprêtait à affronter l'océan en voilier. Cette mésaventure aura nourri des racines chez lui puisque je l'ai retrouvé une petite décennie plus tard solidement ancré à Montréal.

Christophe m'avait parlé de ce sentiment de lourdeur qui s'installe insidieusement. Un jour, on se réveille et le mobilier nous semble pesant, le garde-robe plein de vêtements inutiles, les bibelots, les souvenirs de voyage superflus... Ce jour-là, le poids de nos biens matériels nous étouffe et on commence à donner, jeter, recycler. On voudrait qu'une valise puisse contenir l'ensemble de ses avoirs et on se surprend à rêver d'ailleurs.

Puis on part à l'aventure. On se sent léger. C'est l'insoutenable légerté de l'être. L'inconnu prend des airs de liberté.

Jusqu'à ce que l'appel du pays se fasse de nouveau sentir. Le goût de s'installer, de s'enraciner prend le dessus. On se croit guéri...

Je suis une enfant de la course destination monde et comme plusieurs d'entre vous peut-être, les mots d'Hugo Latulippe dans son dernier film me sont restés:

La Terre plantée dans le coeur
Partir, partir parce qu’on poursuit tous des idées mythiques.
Partir par pur souci esthétique. Partir parce que c’est important de savoir.
Partir parce que c’est rock n roll. Partir sur les traces de nos rêves. Partir, mais partir pour revenir... Revenir, revenir plein de soleil et d’espoir d’ailleurs parce qu’on a compris que d’un point de vue logistique, on s’auto-suffit, mais qu’émotivement, pas du tout.
Revenir parce que ça fait du bien. Revenir parce qu’on en a assez de s’immiscer dans la vie des autres et qu’on veut entendre l’avis des nôtres.
Revenir et ne jamais oublier la guerre, la misère, la haine, les blessures.
Revenir pour ne plus jamais s’incliner devant autre chose qu’une montagne, un arbre, une rivière, un sourire.
Revenir et prendre le parti des enfants, des baleines, des aurores boréales et des odeurs de printemps.
Revenir après 40 décollages, 97 contrôles douaniers, 567 repas,62 interviews, 6 ou 7 sanglots, 3165 éclats de rire, une vingtaine de p’tits films et une conviction.
Si les p’tits culs de Karashi peuvent sourire à manger de la marde.
Si les petits soudanais peuvent danser l’estomac plein de sable.
Si un palestinien peut oublier le meurtre de sa mère au nom de la paix, j’vois pas pourquoi moi, j’aurais pas confiance jusqu’à la fin du monde.
J’vois pas pourquoi moi, j’sourirais pas jusqu’à la fin des temps.
Revenir, persuadé que la seule chose au monde qui compte vraiment, c’est d’avoir un coeur pour revenir.
Revenir, de l’humanité plein la tête.
Revenir, la Terre plantée dans le coeur. Revenir, mais revenir pour repartir.
Ce soir, c’est fini et ma tête tourne, mais la Terre tourne. Salut!

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