samedi 19 février 2011

Le violoncelliste de Sarajevo (#21)


"Nous avions survécu toute la nuit et c'était tout ce que nous souhaitions. Cela, nous l'avions obtenu et ça nous emplissait de bonheur. Vivre ensuite quelques heures seulement ou une cinquantaine d'années nous était indifférent."

Sarajevo. Je n'y suis allée qu'une longue journée. Deux nuits. Tout juste après la guerre. Les 36 heures les plus fascinantes de mes 20 ans. Sarajevo. Après les bombes. Encore éventrée.

Dans l'autobus que j'avais pris de Belgrade, j'ai sympathisé avec un jeune serbe qui allait rejoindre sa grand-mère. Il avait passé la guerre avec elle, prisonnier de la ville où ses parents pensaient qu'il trouverait refuge.

Ils m'ont offert le gîte. Ils m'ont nourri. Sur son balcon bordé de bégonias rouges, regardant le paysage désolé des immeubles maculés d'étoiles noires laissées par le passage des obus, comme de grands squellettes restés pour hanter la ville, la grand-mère croate me parlait de la guerre, le petit-fils serbe traduisait.

Lorsque je lui ai demandé d'où elle venait. Elle me répondit "loin des dieux et des hommes". Son petit-fils précisa comme pour l'excuser qu'elle était de Vis, une île au large de la Croatie.

J'ai marché une journée dans les rues de Sarajevo avec mon hôte - qui la revoyait pour la première fois depuis la fin des hostilités. J'ai revécu le premier coup de feu, le premier homme abattu au coin d'une rue, le premier tank, les corps qui flottaient le matin dans la rivière devant chez lui, la bombe du marché central.

"Après la chute de l'obus sur ses amis et ses voisins qui faisaient la queue pour acheter du pain, il se baissera, il ramassera son archet et, emportant son violoncelle et son tambouret pliant, il empruntera l'étroit escalier et descendra dans la rue vide."

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