mardi 12 juillet 2011

Le jugement dernier Michelangelo



Le Vatican est en soi un endroit mythique. J'avais fait des heures la file avec Sophie sous un soleil brûlant de septembre. Je ne savais pas à l'époque que j'aurais pu obtenir des billets par un collègue de Rome...

La longue visite aboutit dans la chapelle sistine. L'expérience pourrait pousser à l'extase si ce n'était des gardiens de sécurité qui crient sans cesse contre un visiteur ou un autre parce qu'il s'est assis ou qu'il s'est aventuré à prendre une photo (acte que je châtirais moi-même sans ménagement).

La fresque au plafond (1508-1512) narre la genèse. La création de l'homme en est l'épisode le plus connu avec Dieu qui donne la vie du bout du doigt.

Mais étrangement c'est un détail de la fresque murale (1534-1541) représantant le Jugement dernier qui a marqué davantage ma mémoire. En fait c'est un Saint-Bartelemie, écorché vif et qui tient sa peau dans ses mains pour illustrer son martyr, que j'ai en tête lorsque je pense à cette oeuvre de Michelange.

mardi 5 juillet 2011

Unique forms of contiuity in space, Umberto Boccioni


Encore en vedette au MOMA, cette oeuvre d'Umberto Boccioni(1913) incarne pour moi le mouvement futuriste. Elle devait illustrer un de mes manuels sur l'histoire des mouvements littéraires j'imagine. Cet homme de métal, comme un robot, une machine humaine tout en mouvement, me rappelle le fascisme. L'obsession de la performance qui m'intéresse si peu. L'oppression du sentiment par l'action. L'industrialisation d'un monde qui s'est mis à rêver de tout mécaniser. C'est l'origine de l'eugénisme. Ce fantasme de perfection qui me paraît pourtant d'une stérilité inouïe.

Célébration du pouvoir, de la force et de la technologie. Comment un monde peut m'être plus étranger. Je ne pense pas avoir jamais lu de littérature futuriste (ou alors ça m'aura très peu marquée, à l'évidence).

Héritier du cubisme - ça se voit. Mais encore là, trop cérébral pour ma nature toute émotion. Je croyais qu'il s'était suicidé - en fait il est mort à 33 ans d'un accident de cheval. J'ai vérifié. Le poète Marinetti, fondateur du mouvement futuriste, non plus n'a pas mis fin à ses jours. Pourtant la chose ne m'aurait pas surprise. L'amère désillusion est souvent le lot des idéalistes.

mardi 28 juin 2011

Untitled blue, Yves Klein


Le "bleu Klein". Je ne l'aurais pas remarqué lorsque je l'ai vu à New York au MOMA n'eut été de Rosalie, ou peut-être de Bruno, ma mémoire est floue, qui m'avait expliqué qu'il était l'inventeur de cette couleur. Inventer une couleur! Un être quelconque. Fou de judo. Catholique dévoué, appartenant à la Rose-Croix. Et surtout mort à 34 ans...

Je pense que c'est la lecture d'Amélie Nothomb qui m'a fait repenser à cette toile. Il était question dans ce roman d'un coussin bleu Nattier, ainsi nommé en l'honneur d'un artiste qui a créé un autre bleu. Décidémment, le bleu, ça semble être quelque chose.

Toute une oeuvre consacrée à une couleur - le IKB (International Klein Blue). Une forme d'image de marque post-moderne.

Ironie du sort, c'est Milan qui a accueilli la première exposition de monochromes! Peu surprenant en fait pour la ville du design industriel.

J'avais dans ma très tendre enfance ma propre fascination pour le bleu, un tout autre bleu par contre, celui du ciel que je trouvais tellement unique et impossible à reproduire. Seuls les écrins de la bijouterie Birks s'en approchaient selon moi (mais ça, je l'ai déjà raconté dans une autre chronique).

mardi 21 juin 2011

La classe de danse, Edgard Degas


Pour le musée d'Orsay, il me fallait choisir une toile et la sélection était tentante. Je me suis arrêtée sur cette toile de Degas (1871-1874) parce que j'ai la quasi-certitude de l'avoir vue pour la première fois dans mon enfance au musée national à Ottawa où ma mère nous avait emmenés pour une exposition sur les impressionnistes qui lui plaisaient beaucoup. Je me souviens qu'à la sortie, ma mère, qui vient pourtant de la campagne, s'était plainte du manque de vie dans les rues de la ville alors même que le soleil n'était pas couché. Comme quoi sa réputation avait voyagé déjà dans les fins fonds de la province.

A 14 ans, lors d'un voyage à Paris, je lui avais acheté une reproduction de Degas.

Pour l'enfant que j'étais, ce sont les ballerines qui me plaisaient. Si certaines petites filles aspirent à être princesse, c'est le ballet classique qui a gagné mon coeur alors que je n'avais que 3-4 ans. Dieu merci, cette passion a mal vieilli car mon corps aux courbes rubensiennes n'aurait pas cadré dans les normes de cet art.

mardi 14 juin 2011

La parabole des aveugles, Peter Brueghel l'ancien


Ah Naple! La royale, la cahotique, la douce, la délirante, l'unique, la mafieuse, la gourmande, l'assoiffée de soleil. Lors de mon premier voyage en Italie, ce n'est qu'au bout de quelques semaines et seulement rendue à Naple qu'il m'a semblé être enfin en Italie. Elle a été sous la domination des Bourbons - alors régents d'Espagne. Elle est sous la domination de la Camorra.

J'ai vu à quelques reprises un documentaire sur le joueur de soccer argentin Diego Maradonna qui a longtemps joué pour l'équipe napolitaine. Ce qui me frappait et me bouleversait à chaque fois c'est que cette ville l'a aimé au point de le détruire. Un amour collectif déchaîné, sans retenu, rancunier, violent, exclusif, possessif, qui l'a anéanti. Un drame amoureux entre un homme et un ville. Un destin tragique digne des grecs.

Et dans le magnifique musée Capodimonte de cette ville se trouve, parmi d'autres, la parabole des aveugles (1568) de Pieter Brueghel l'ancien. Le propos me touche. J'y fais référence ponctuellement dans mes conversations récentes. Je vois certains amis/collègues prétendre en conseiller d'autres alors que c'est d'eux-mêmes qu'ils me semblent parler. J'attends le résultat, non sans un sourire ironique au coin des lèvres.

mardi 7 juin 2011

L'autel de Pergam


Le museumsinsel de Berlin n'est probablement pas mon favori dans cette ville, mais il possège des expositions magistrales d'art antique. J'avoue n'avoir dans la dernière décennie consacré d'énergie qu'à l'art moderne, mon enfance par contre a été toute absorbée par l'antiquité. Dès que j'ai su lire, j'ai passé mes étés à découvrir l'Egypte antique par le biais d'une collection de livres qui appartenait à ma grand-mère maternelle. Les Cités d'or auront piqué ma curiosité en matière de civilisations incas. Et finalement, à l'approche de l'adolescence, c'est la mythologie grecque et romaine (je crois que je ne distinguais pas bien la différence à l'époque - surtout que tout cet apprentissage se faisait en auto-didacte).

Bref, dans ce musée berlinois, on peut y admirer la reproduction imposante de l'autel de Pergame (164 av. J-C) en provenance d'Asie mineure (la Turquie actuelle). L'oeuvre fait 9 mètres de haut et 36 mètres de large. Elle nous fait voyager dans l'espace et le temps avec elle.

mardi 31 mai 2011

La bataille d'Alexandre le Grand, Albrecht Aldofer


J'aime les musées allemands en général, et ceux de Munich en particulier. Je n'ai pas vraiment mis le pied sur le continent européen depuis mon retour d'Italie il y a bien longtemps (à l'exception d'un trop court voyage d'affaires à Paris). Les musées allemands, en plus d'exposer de riches collections, sont de véritables lieux de vie, de méditation. Ils sont aménager pour permettre au visiteur de se recueillir, de prendre son temps. Ils sont confortables et offrent une certaine intimité.

Cette toile pour le moins chargée d'Albrecht Altdorfer (1529) se trouve à l'Altapinakothek. Elle fait partie d'une série de 16 peintures à thèmes historiques commandées par le duc Guillaume de Bavière pour décorer sa résidence. Celle représente évidemment la bataille d'Alexandre le Grand contre les Perses.

Les représentations guerrières sont toujours des scènes impressionnantes, avec des émotions fortes, de la tensions, de si nombreux personnages (ça me fait penser à toutes les fois où j'ai demandé à ma mère le sens du mot "à grand déploiement" lorsque je lisais la description d'un film dans le télé-horaire. Eh bien voilà! Une toile à grand déploiement).

Elle ne laissa pas indifférente non plus le plus grand des guerriers, Napoléon, qui la confisqua, fidèle à ses habitudes, pour l'intégrer dans sa collection personnelle (plus précisément pour l'accrocher dans la salle de bain de sa résidence de Saint-Cloud).

mardi 24 mai 2011

La lettre d'amour, Jan Vermeer


S'il y a un musée qui ne s'est pas montré à la hauteur de mes attentes, ce fût le Rijkmuseum d'Amsterdam (dont je ne peux d'ailleurs jamais écrire le nom correctement sans en contre-vérifier l'orthographe à maintes reprises). J'avais fait le détour par Amsterdam parce qu'il s'agissait d'une des rares villes d'art en Europe où je n'avais jamais eu l'occasion de me rendre en personne. Je ne le regrette pas.

Il m'a fallu choisir une oeuvre pour en parler. J'en ai pris une de Vermeer parce qu'elles sont rares et me plaisent en général. Celle-ci parce que le propos cadre bien avec ce blog. La lettre d'amour (1669). Mais sincèrement, celle-ci ne m'émeut guère. Peut-être n'ai-je pas d'affinité avec les sentiments des nordiques. Je ne trouve pas la dame particulièrement jolie. Les symboles faisant référence à l'amour me font bailler - le luth à un son nasillard qui tend à m'irriter, le tableau naval supposé faire allusion à la traversée amoureuse tumultueuse me fait davantage penser à une campagne militaire.

On dit que la pantouffle et la vadrouille à l'avant du tableau représentent une expression de l'époque - "se marier en pantouffles" qui signifiait en fait une liaison pour une vieille fille!

Tout ça est tellement cérébral qu'il m'est difficile de m'en émouvoir.

mardi 17 mai 2011

Annuciazion con i santi asano e Margherita, Simone Martini


Pour une amatrice d'art italien ayant vécu à Milan quelques années, on peut dire que j'aurai su éviter Florence. Je n'y suis allée qu'une fois si ma mémoire est juste au cours de ce séjour.

Pourtant, je ne peux pas ignorer les trésors qui s'y trouvent comme ce retable gothique de Simone Martini (1333) au musée des Uffizzi. Il a été créé pour le Duomo de Sienne et retiré plus tard en raison d'un tremblement de terre.

Ces images de l'annonce à la Vierge Marie avec l'Ange Gabrielle ont fait plus tard les choux gras de la contre-réforme. Elle revient souvent chez les peintres gothiques italiens. Moment de pudeur chaste. En même temps clé de voûte fragile, presque talon d'achille du culte catholique. La virginité contestée de Marie.

Mais le faste et la délicatesse de la représentation me laissent rarement indifférente à cette scène.

mardi 10 mai 2011

Green on maroon, Mark Rothko


Ce fût mon premier Rothko (1961), à Madrid au musée Thyssen-Bornemisza. Deux couleurs sur un cadre, mais deux couleurs tellement sombres, tellement tristes. J'ai sourcillé en découvrant plus tard les jaunes, les ocres, les rouges vifs de l'artiste. C'était avant de me recueillir dans la petite salle qui lui est consacrée à Londres, au Tate modern, et décriée par Henri comme d'un kitsch fini.

Deux couleurs. Une extrême simplicité et pourtant j'ai la conviction que je ne saurais reproduire cette toile, immense de surcroît. Plus de 2 mètres par 2 mètres. Avec les années, j'aime toujours davantage l'abstrait et j'ai tendance à me lasser rapidement du figuratif à moins que les traits ne soient pas trop réalistes. Natures mortes et portraits se font rares en ma demeure.

Je disais que les enfants venaient nous pousser dans nos retranchements. Peut-être les miens seront-ils amateurs de clowns tristes ou de paysages touristiques comme ceux qui se vendent dans les vieux quartiers d'à peu près toutes les villes dignes d'attirer un ou deux visiteurs.

mardi 3 mai 2011

Ecce homo, Andrea Solario


Je vais lancer la seconde saison estivale de mon blog consacrée à l'art avec une oeuvre à peu près inconnue d'Andrea Solario, Ecce Homo (1505-1506)- "voici l'homme" si je traduis bien, qui indique le moment où le Christ est présenté au peuple juif vêtu comme le roi de ce peuple, drap pourpre et courronne d'épines à l'appui.

Elle me permet de parler d'art italien. De ma collection de livres consacrés aux musées du monde que j'ai acquise par abonnement à Milan (le consulat étant abonné aux journaux locaux, je pouvais, moyennant un supplément de quelques euros par semaine seulement, me procurer une série de livres d'art qui me servent de référence jusqu'à ce jour et qui ont nourri à une période de grande solitude m'a vocation salvatrice pour la peinture).

Enfin, cette toile me permet de parler du musée Poldi Pezzoli de Milan, qui s'il ne possède pas d'oeuvres majeures ou du moins incontournables, a tous les charmes d'une résidence privée dédiée à la beauté. Les lieux qui ont logé des amateurs d'art acquiert une âme unique qui semble résister à l'épreuve du temps.

mardi 8 mars 2011

samedi 26 février 2011

Le violoncelliste de Sarajevo (#21) (2)


"Dans quelle version d'un mensonge se trouve la vérité, impossible de le dire. Aujourd'hui, après tout ce qui s'est passé, Dragan sait que le Sarajevo dont il se souvient, la ville où il a grandi, dont il était fier et où il était heureux de vivre, n'a probablement jamais existé."

De Sarajevo, ce dont je me souviens aussi, ce sont le sentiments provoqués par ma présence. J'étais silencieusement assise au fond de l'autobus lorsque le douanier entra à la frontière pour inspecter les passeports. Quel fût son étonnement et celui de tous les passagers de découvrir parmi eux une jeune étrangère.

Au lieu du mépris que je me serais attendue à recevoir pour m'être lancée dans une aventure aussi téméraire, je lisais sur leur visage un certainement amusement, une curiosité.

J'ai rapidement compris que j'annonçais la fin de la guerre. Le printemps revenait enfin au terme d'un hiver éternel. Les tirs avaient cessé depuis quelques temps, mais ma présence mettait fin à leur isolement. Le monde s'intéressait à Sarajevo et recommencerait à venir.

Mon hôte m'a confié, alors qu'il m'accompagnait dans les rues de la ville, qu'il n'aurait jamais trouvé le courage de retrouver Sarajevo n'eut été de moi. Il redécouvrait sa ville par mes yeux qui n'avaient jamais vu la guerre. Il me racontait la guerre à moi, qui ne la connaissait pas. Et je crois que cette innocence était pour ceux que je rencontrais une promesse de paix. Le bonheur était encore possible.

"Une arme est la manifestation d'une décision déjà prise".

mardi 22 février 2011